05/07/2012
Afrique australe

Le protocole de la SADC sur les eaux communes risque-t-il un blocage ?

Des partenaires au développement et des représentants de dix pays
d'Afrique australe se sont réunis du 5 au 6 juin à Harare, au Zimbabwe,
pour évaluer la mise en œuvre du protocole de la Communauté de
développement de l'Afrique australe – SADC, sur la gestion commune des
eaux partagées.
En août 2000, 14 chefs d'États membres de la SADC, dont celui de la
République démocratique du Congo – RDC, avaient approuvé ce protocole
avec pour objectif de "mettre en place des mécanismes et des
institutions de cogestion judicieuse, durable et de protection des eaux
partagées entre les pays de la sous-région"
. À cheval entre neuf
pays d'Afrique centrale, australe et orientale, avec une importante
réserve en eaux estimée à 52 % des eaux du continent selon le Programme
des Nations unies pour l'environnement – PNUE, la RDC n'a pas encore
signé le protocole. Mais, la RDC appartient à la fois à au moins trois
regroupements économiques régionaux, dont la SADC. Selon Cyrille Masamba
Mfumu, chef du département Eau au ministère de l'Énergie, représentant
de la RDC à la rencontre de Harare, "la position géographique de la RDC est problématique pour la mise en oeuvre du protocole". Masamba Mfumu, qui est également membre du Comité congolais d'action de l'eau et de l'assainissement, explique à IPS que "plusieurs
cours d'eaux qui semblent tirer leurs sources de la RDC vers les pays
d'Afrique australe, ne lui appartiennent pas exclusivement et elle ne
peut en faire objet d'un engagement international."
Il souligne notamment "le
cas des eaux que la RDC partage avec le Congo Brazzaville et la
Centrafrique qui ne sont d'ailleurs pas membres de la SADC, alors que
ces eaux font partie de l'espace régi par le protocole."
C'est le cas, par exemple, des lacs Tanganyika et Albert à l'est, et le fleuve Oubangui au nord-est. "La
difficulté est que la RDC ne peut pas s'engager sur l'utilisation
régionale de ces eaux en ignorant les autres pays qui en sont
copropriétaires et qui malheureusement appartiennent à d'autres
communautés économiques régionales, comme la Communauté des États
d'Afrique centrale – CEAC, ou encore la Communauté de l'Afrique de
l'Est"
, indique Alain Butuku, professeur à l'Université de Kinshasa.
Pour Grégoire Kabimba, conseiller au ministère de l'Environnement, de la Conservation, de la Nature et du Tourisme, "il
faut envisager des mécanismes de coopération entre différentes zones
économiques et régionales pour résoudre cette importante question
d'intégration économique". "Le problème n'est pas tant celui de
renforcer les regroupements que celui de s'assurer que chacun des pays
membres dispose d'une politique interne en gestion d'eaux, ce qui n'est
pas le cas pour la RDC"
, estime Jean-Marie Kileshye Onema, expert de
la Waternet qui est une structure de la SADC, spécialisée dans l'appui
intégré en gestion des ressources en eaux et en renforcement des
capacités pour la bonne gestion de l'eau en Afrique australe. "Les
groupes régionaux sont très disparates, avec des langues presque
inconciliables et avec des niveaux de développement différents qui
peuvent poser problèmes. Mais, le cas de la RDC est très interpellant"
, selon Kileshye Onema pour qui "le pays n'a pas encore signé le protocole du fait qu'il ne dispose d'aucune politique sur la gestion de ses eaux". Kileshye Onema affirme à IPS: "L'eau
continue à être gérée comme une ressource sectorielle et non comme une
ressource stratégique dans le cadre d'une politique intégrée. Pourtant,
il existe un projet de Code de l'eau depuis 1997 qui devait constituer
un document de politique nationale, mais qui malheureusement traîne à
être examiné par le parlement."
Pour Alain Butuku, "la RDC doit
préalablement mettre en place trois outils avant de prétendre mobiliser
les autres pays sur la question et avant de signer le protocole. Il
s'agit des outils techniques, des outils de gestion et institutionnels"
.
Entre-temps, les eaux de la RDC continuent à être régies par la loi de
1934, qui date de la colonisation, avec comme conséquence qu'elle ne
prend pas en compte certains aspects, notamment des actes criminels
relatifs à la pollution des eaux par des exploitants miniers, forestiers
ou simplement par des habitants riverains.
Emmanuel Chaco, IPS (Harare) – AllAfrica 06-06-2012